Les heures sensibles

Chroniques d’un passé recomposé. À la douce lueur des chandelles, le quatuor de La Compagnie Sensible a ouvert les portes d’un salon de musique ancienne pour retracer cinq siècles d’histoire musicale. Le public a été transporté, de l’aube de la Renaissance à la veine néo-classique du début XXᵉ, dans un voyage poétique où instruments anciens et voix s’unissent dans une même célébration de l’Histoire musicale.

Dans ce salon imaginaire, l’atmosphère semble suspendue au temps. Un temps retrouvé, revisité, reconquis. Le mobilier sonore se déploie dès l’appel au XVIᵉ siècle avec Pierre Clèreau et « La lune est coutumière ». Puis, l’univers s’élargit avec Albert Roussel (Ciel, aer et vens, 1924) et Maurice Ravel (Ronsard à son âme, 1924) qui, sans renier l’héritage ancien, en infusent la modernité sur un mode délicatement nostalgique. Les pénombres, l’enfance, le coeur à prendre et les « souvenirs d’amours » deviennent des tableaux successifs, joués avec une légèreté apparente — mais d’une précision d’orfèvre — par la guitare Renaissance, la viole d’amour, le théorbe, le luth et les voix de Pétronille Ancel, Maylis Moreau, Emma-Lisa Roux et Sylvain Chen.

Le récital insiste sur ce goût de l’évocation — romances et airs légers du XVIIIᵉ et XIXᵉ siècle (Jules Massenet, Jean-Benjamin de Laborde, Vincent d’Indy…) — rendus avec autant de finesse que d’éloquence. Le dialogue entre instruments anciens et timbres vocaux s’y fait d’une simplicité charmante, avec beaucoup de justesse expressive. 

Sur ce fil ténu entre gravité et romantisme, le concert se clôt sur une véritable invitation à la rêverie. La Compagnie Sensible a été saluée d’applaudissements sincères. Une reconnaissance méritée pour ce travail de détail, cette curiosité musicologique assumée et ce goût pour la nuance. L’on ressort de cette soirée comme l’on referme un beau livre ancien : avec la satisfaction d’avoir vécu un moment rare, hors du tumulte quotidien, dans un autre espace-temps, celui de la musique et de la mémoire.

Retour en images

©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders
©Jean Enders